Charlie Devier

Charlie Devier questionne dans son œuvre, le rapport de l’Homme à l’espace urbain et à ceux qui le partagent avec lui, humain ou animal. À travers un code de couleurs franches, il développe une pratique de la « peinture sans peinture ». Ainsi le coup de pinceau est remplacé par un cageot déchiré, le motif est constitué d’allumettes ou de broderies…le procédé prend le temps de sa réalisation pour produire l’effet pictural recherché.
La série des « Chiens » est réalisée sur des toiles imprimées aux motifs floraux imposants, rappelant de lourds rideaux ou des tapisseries d’intérieurs. Unnamed et Soleil sont deux chiens rencontrés dans les rues de Bordeaux. Leur reproduction sur un motif de décoration d’intérieur, établit le lien entre des espaces intimes et l’espace public de la ville, affirmant le fait que ces espaces sont poreux et interpénétrables. Constitués de petits points de couleurs vives posés sur la toile avec le manche du pinceau, ces « Chiens » s’apparentent aux animaux mythiques qui peuplent les peintures aborigènes. Peindre avec le manche du pinceau est un voyage aux antipodes de la peinture.
Au même titre, les « Hobo signs » sont réalisés avec des morceaux de cageots peints et, leurs formes déchirées évoquent celles de coups de pinceaux. Ces symboles sont issus d’un code créé par les Hoboes, « vagabonds-travailleurs » qui se déplaçaient de ville en ville et laissaient derrière eux, à l’attention des suivants, des signes qui indiquaient le caractère hostile, accueillant, sécurisé ou dangereux, d’un lieu d’arrêt temporaire. Alors que parfois, les points de chute des Hoboes sont des « Auberges à la Grande Ourse » (Ma Bohème, Arthur Rimbaud), Charlie Devier utilise également le matériau pauvre qu’est le cageot pour représenter des maisons, qui sont alors des « épaves de la rêverie », souvenir associé à la maison de son enfance : un chalet au milieu des bois.
La question de l’espace habité est récurrente dans l’œuvre de Charlie Devier, mais elle appelle à la dérive et à l’errance poétique.
Peintre sans pinceau, Charlie Devier incite à revoir le confort des rues et trottoirs, supports potentiels d’un univers à inventer/imaginer. Pour ce faire, il s’inspire de l’expression « Aller peindre sur le motif » (qui, pour les Impressionnistes, revenait à aller peindre dehors) en l’appliquant au pied de la lettre, quand il repeint les motifs des plaques d’égouts.
Né, en 1980 à Bergerac, il est un ancien étudiant de l’Ecole des beaux-arts de Bordeaux. Exposé en Bulgarie, en Roumanie, à Taïwan et en Pologne, il a également été en résidence en Suède. Il a travaillé à la Fabrique Pola avec l’association PointBarre ainsi qu’avec le collectif bordelais La Mobylette. En 2014, il ouvre avec Xavier Ferrère un espace de travail et de diffusion, l’Escalier B, situé au 125 rue Sainte Catherine à Bordeaux.